Entre une belle mangue et une pomme de terre

Quel choix feriez vous ?

Vous regardez une belle mangue bien mûre comme sur cette photo et, qu'arrive-t-il ? Vous vous voyez déjà en train de la manger et de renouer avec le plaisir que vous a laissé une précédente dégustation. En d'autres termes, vous fantasmez sur la mangue.

Poussez le regard juste à côté sur la pomme de terre : bof ! Pas terrible et surtout rien de spécial, la patate est devenue tellement courante et si peu remarquable qu'on n'y prête que très peu d'attention... sauf à être accro aux frites ou à la purée ?...

Nous sommes tous construits comme ça : nous prêtons attention sur l'objet, celui qui renvoie des couleurs et des reliefs à notre cerveau. Le circuit neurologique se poursuit et réactive des souvenirs. Ces derniers remontent à la surface et nous conditionnent. Surgit alors, si on laisse faire, une prédisposition à saliver. Souvent la salive surgit même alors qu'il n'est pas l'heure du repas.

Que vient faire l'alimentation naturelle dans ce scénario ?

Elle casse tout ! Ou du moins, elle se trouve en parfaite opposition avec ce schéma. L'exercice qui sous-tend sa bonne pratique passe par une phase olfactive. On sent les aliments à disposition tour à tour. Certains ne sentent rien, ça arrive tout le temps et ça veut dire qu'on peut passer son chemin, c'est naturel. D'autres sentent mauvais : on les oublie aussi. Un petit nombre retiennent notre nez : on va les ressentir plusieurs fois. Certains baissent pavillon, on les oublie. À la fin du processus, on élit notre "champion" : l'aliment dont la saveur perçue est la plus agréable, la plus attirante.

En stage ou à la maison, on peut faire ce choix les yeux bandés : ça permet de se concentrer à 100% sur son odorat et de déconnecter de façon plus sûre le mental. Ça permet surtout d'éviter, au moins de diminuer les circuits neurologiques souvent constatés et qui nous font passer à côté de l'aliment de l'instant.

C'est cet apprentissage que nous demande une bonne pratique de l'alimentation naturelle. Il se heurte à nos apprentissages initiaux réalisés dans des conditions non naturelles. il faut du temps pour les installer solidement et durablement.

J'ai dégusté il y a quelques jours de la pomme de terre nouvelle qui m'a enchanté tout autant qu'une belle mangue peut le faire. Elle était croquante, juteuse et m'a inondé d'un plaisir, disons  "terrien", l'impression d'embrasser la terre de tout mon être, qui rayonnait depuis mon abdomen dans tout mon corps. J'ai senti qu'elle me faisait un bien fou et pour rien au monde je n'aurais voulu rater cette rencontre.

Ce qu'il faut retenir dans cette histoire, c'est qu'avec cette alimentation de nos origines retrouvée, l'image focale n'est justement pas une image : c'est une sensation, un ressenti de plaisir profond, organique, irradiant et qui vous nourrit bien au-delà des nutriments qu'il apporte ; cette rencontre associe un objet, l'aliment, et un instant, celui de votre pleine acceptation sensorielle. Cette rencontre est votre pleine propriété, elle est le résultat de votre concentration à obéir aux signaux donnés par votre corps : elle est au cœur de la magie de plaisir qui illumine nos repas.

Changer le focus de l'image par le focus du ressenti en opérant un tout petit mais déterminant changement d'angle, et on se retrouvera bien vite et pour longtemps sur les pages Mangeons Nature.